Dès la fin mai, nous allons avoir un nouveau cadre légal pour le miel. La directive miel 2001/110 est modifiée sur base de la révision votée le 10 avril par le Parlement européen et une quinzaine de jours après par le Conseil des ministres (Directive « Petit déjeuner »). Comment cela va-t-il se traduire pour les consommateurs et pour les apiculteurs ?

Pour arriver à ces modifications, un travail assidu depuis 2021 a été nécessaire. C’est principalement le Groupe de travail Miel du COPA COGECA (syndicat agricole européen) qui a élaboré une série de propositions et qui les a proposées tant aux des députations permanentes (représentants des pays de l’Union européenne à Bruxelles), qu’auprès des parlementaires européens. L’objectif était double : mieux informer les consommateurs sur l’origine et la qualité des miels et réduire les possibilités de fraude des miels. La Commission devait faire une proposition suite à la demande du Conseil des ministres. C’est ce qu’elle a fait en se limitant à demander la liste des pays de production du miel. Un travail conséquent s’est alors tenu au niveau du Conseil des ministres avec 6 réunions de Groupe de travail spécifique et 3 SCA (Comité spécial pour l’agriculture). Ce dernier a remis son projet en décembre. De même et en parallèle le travail a également concerné la Commission agriculture (ComAGRI) du Parlement européen (consultée sur le sujet) et la Commission Environnement, Santé publique et Sécurité alimentaire (ComENVI), porteuse du projet. La ComAGRI a déposé 262 amendements qui reprenaient pratiquement toutes les demandes des apiculteurs et la ComENVI en a proposé 318. Le vote au Parlement européen des modifications proposées s’est déroulé le 12 décembre après 6 mois de négociations intenses. Un trilogue entre le Conseil, le Parlement et la Commission a pu aboutir à un texte final fin janvier sous présidence belge. Celui-ci devait encore être approuvé par les différents comités (SCA et Com ENVI) et enfin en plénière tant au Parlement qu’au Conseil. C’est maintenant chose faite. Il faut signaler qu’il est très rare de voir un texte aboutir en un an. Cela montre l’importance et l’urgence du dossier pour nos autorités.

L’étiquetage du miel
Les mélanges de miels originaires de plusieurs pays devront reprendre sur l’étiquette faciale, par ordre décroissant et avec pourcentage les pays originaires des miels présents dans le mélange. Pour les petit conditionnement (30g ou moins, le nom des pays peut être donné en code à 2 lettres comme BE pour la Belgique). Les pays peuvent limiter les pourcentages aux quatre premiers pays s’ils représentent plus de 50 % du volume du miel. Nous devrions insister pour que la Belgique ne permette pas cette simplification.

Les miels filtrés
Les miels filtrés (il faut comprendre ultrafiltrés avec des filtres réduisant ou éliminant les pollens présents) ne pourront plus être appelés des miels de bouche. Ils devront être considérés comme des miels destiné à la cuisson. Ces miels représentaient une porte ouverte à l’ajout de sirop de sucres dans les miels.

Les méthodes d’analyse
Le Centre Communautaire de Recherche (CCR ou JRC) travaille sur un projet HarmHoney qui devrait permettre d’identifier et de valider les méthodes à utiliser pour détecter les fraudes dans un miel. C’est sur cette base que dans un délai de 4 ans, la Commission devra mettre en place un arrêté d’application définissant les méthodes à utiliser.

La traçabilité des miels
Afin de garantir l’authenticité et l’origine des miels, un système européen de traçabilité doit être mis en place. Il devrait tracer le miel entre le producteur et le consommateur. Ce système unique reste à étudier et ne va probablement concerner que les apiculteurs qui ne vendent pas leur miel sous leurs propres étiquettes.

Une nouvelle plateforme
Un groupe d’expert sera constitué pour aider à la mise en place de ce système de traçabilité mais également pour compléter les données existantes en relation avec la recherche d’adultération des miels.
Il devra également fixer le seuil en dessous duquel on ne peut pas modifier le spectre et la densité pollinique d’un miel. Nous recommandions un seuil de 100 µm mais la Commission demande au groupe d’experts de fixer ce niveau et de plus, une étude de faisabilité sera également nécessaire comme avant toute modification que pourrait apporter ce groupe.
Ils vont également devoir fixer des normes en relation avec l’invertase, une enzyme particulièrement sensible aux dégradations thermiques. S’ils retiennent ce que nous avions proposé, à savoir 50 UE pour les miels, avec une tolérance à 25 UE pour les miels pauvres en enzymes cela reviendrait à interdire toute pasteurisation des miels de bouche.
Ils auraient également dans leur mission de donner des recommandations en vue de l’établissement d’un laboratoire européen de référence des miels.
Sur base de tous ces travaux, la commission devrait publier des actes délégués dans les 5 ans.

Mise en place
Comme vous pouvez le constater tout cela prendra encore du temps. L’étiquetage sera opérationnel dans les deux ans + 20 jours qui suivent la publication du texte de loi. Il faudra attendre 4 ans pour les méthodes d’analyse et 5 ans pour la traçabilité et les paramètres de qualité. Espérons que l’horizon des apiculteurs va s’éclaircir avec ces nouvelles mesures.

Etienne Bruneau
Bruneau.apis@gmail.com